La Mode en Mutation et l'Émancipation de la Femme 


 
La période des années 1960 est une phase révolutionnaire dans la création vestimentaire. L’image de la femme apprêtée des années 1950, aux formes très dessinées, s’estompe au profit d’une silhouette plate et plus géométrique. Les jeunes désirent avoir une mode différente de celle de leurs parents, symbole d’une vie raisonnable faite de confort et de bienséance, et consacré au travail et à la famille. Les sous-cultures explosent ; les Mods, Rockers, Blousons noirs, Yéyés se suivent et se côtoient durant cette décennie. En opposition aux interdits bourgeois et à la pudibonderie s’ajoute un désir d’émancipation de la femme. Le cinéma révèle des femmes audacieuses, sensuelles et voluptueuses. Marylin Monroe, Sophia Loren, Brigitte Bardot crèvent les écrans. La pilule est légalisée en 1967, assurant l’égalité sexuelle aux femmes. Ces changements socio-culturels vont avoir un impact notable sur le monde de la mode. La bourgeoise cède la place à la femme-enfant aux allures naïves (le mannequin Twiggy en est l’exemple typique). Il faut être jeune et sexy à tout prix. Les femmes, devenues actives, recherchent des vêtements qui favorisent la liberté de mouvement. La robe-sac de Balenciaga participe à l’émergence de formes beaucoup plus simples. Les années 1960 favorisent l’audace.
D’origine espagnole, Paco Rabanne a déjà une bonne renommée en tant que créateur de bijoux fantaisie qu’il développe pour Balenciaga, Dior, Givenchy, avant de présenter la première collection couture. En marge de la tradition de la mode, il est cependant un des créateurs les plus révolutionnaires du siècle dans le domaine vestimentaire. Il y introduit la notion de modernité en expérimentant de nombreuses nouvelles matières depuis l’ouverture de sa maison à Paris en 1967. Il construit ses tenues à l’aide de rondelles de plastiques, du non-tissé, de la maille métallique … et est l’un des premiers à utiliser de la fausse fourrure. Créant des modèles à l’aide de matières atypiques, il désacralise ainsi les valeurs traditionnelles de la mode.
Après le lancement en 1966, de ses premiers vêtements métalliques (mini-robes ou mini-jupes), il renouvellera, à chacune de ses collections, les matériaux et les volumes de ses créations. Dans les années 1970, il va continuer ses activités de concepteur moderne en créant des robes du soir théâtrales de plus en plus lyriques, bustier d’argent, ailerons en rhodoïd, casques profilés, collets d’acier, présentant des lunettes en fourrure, des manteaux en adhésif transparent recouvert de plumes d’autruches, un vêtement réalisé par moulage,  des pantalons en fourrure tricotée…
Dans les années 1980, il s’ouvre à un univers baroque, parfois sulfureux et utilise des matériaux « recyclés » : disques compact, morceaux de bouteille plastiques, tubes de caoutchouc, tiges en inox, des robes en papier jetables vendues dans de petites pochettes ou boites de conserve. S’en suivront des créations qui utiliseront les innovations technologiques, tels le polycarbonate, utilisé pour la fabrication du disque laser, la fibre optique ou le plexiglas.
En 1999, la marque arrête la haute couture, plusieurs créateurs se succéderont à la direction artistique. Paco Rabanne restera en un premier temps pour exprimer sa vison, puis au début des années 2000, il quittera la société.
C’est avec cette même magie qu’a voulu prolonger, Thierry Le Gouès, photographe de Mode, le monde du maître des créations métalliques.
Un projet naît, en 2001, entre le créateur Paco Rabanne et le photographe autour du métal, ses reflets avec la lumière, son imagerie futuriste. Paco va mettre à disposition de Le Gouès toutes les robes et les accessoires de ses archives. Il s’agit alors de dépasser une vision rétrospective pour révéler la matière du métal contrastant sur la peau noire, chère aux deux hommes.
Intemporels, des paysages lunaires utilisés comme un écrin à ses photographies: l’île volcanique de Lanzarote, les falaises d’Etretat, les plages brésiliennes du Nordeste, le désert du Sahara.
Thierry le Gouès va pouvoir « armer » ses Amazones des créations de Paco Rabanne dans les extérieures .

 


La fascination qu’inspire la vision futuriste du créateur fut forte et en particulier parce que représente la  robe en métal. Une véritable rupture dans l’histoire de la mode et de l’utilisation des matériaux liés aux vêtements. Le métal n’avait jusqu’à lors servi qu’a la fabrication d’armures aux siècles derniers et était loin de véhiculer une image glamour comme l’eut fait Paco Rabanne. La créativité passe par l’utilisation de différents matériaux autre que le tissu et c’est en cela que son travail est passionnant. Cette expérimentation s’inscrivant dans un design de mode reste pour ma part d’actualité. En effet, la fibre optique ou ce que l’on appelle textiles « intelligents » sont en quel que sorte le prolongement de cette démarche créative faite auparavant par Paco Rabanne.
Le contact du métal sur la peau n’est pas très agréable, il devrait être envisagé d’autres solutions d’interstice entre le matériau et la surface de la peau. Ce n’est pas une robe faite pour être portée en toutes circonstances mais elle a le mérite d’être innovante, originale et d’avoir introduit un nouveau point de vue dans le design de mode et notre rapport au vêtement. Le renouvellement de la pensée lié au vêtement donne suite à d’autres champs d’innovation répondant à des questions contemporaines.
Paco Rabanne a inspiré de nombreux autres créateurs contemporains comme l’architecte Norman Foster qui en dessinant le « Sage Gateshead » en Angleterre, rejoint la construction de la robe expérimentale en métal, ou L’agence Future Systems qui créa le centre commercial de Birmingham, en accord avec les formes chères à Paco Rabanne. Franck O.Ghery a lui aussi réalisé d’innovantes architectures se rapprochant de l’esprit créatif de Paco Rabanne comme les musées Frederick R.Weisman, Guggenheim Bilbao et le centre de musique The Walt Disney Concert Hall.